Gilles du Faing

Gilles du Faing

Le diplomate luxembourgeois aux 68 missions

 

Cénotaphe Jean du Faing et Françoise de Cugnon  (1605)
Cénotaphe Jean du Faing et Françoise de Cugnon (1605)
Église de Jamoigne
© ???
Scan d'une vieille photo (archives famille Guy de Rambaud)

Gilles du Faing est un diplomate luxembourgeois au service des rois d’Espagne, né vers 1560 à  Jamoigne et mort le 2 décembre 1633 à Gand.

 SA JEUNESSE

 

 Gilles du Faing est seigneur de Jamoigne, seigneur du Faing, Linay, La Crouée, Griffemont, Hasselt, Markegem  Vrye, Hoyen, Pontrave, Rye... L'illustre maison du Faing est connue dès le XIIe siècle. De cette époque, il ne reste que la sauvagerie de leurs devise et cri de guerre : Phaël, Phaël, tue, tue et  Ki verria jel tuera. Mais, ils se disputent encore  la suzeraineté haute-justicière de toute la contrée avec l’abbaye d’Orval.

Gilles du Faing  est le fils de Jean du Faing, gouverneur, capitaine et prévôt du comté de Chiny, mort en 1594, et de Françoise de Cugnon, dame d'Ethe et de Belmont, décédée en 1604. Le cénotaphe de Messire Jean du Faing et de son épouse Françoise de Cugnon témoigne de la magnificence passée de la seigneurie du Faing.

Comme il est de coutume à cette époque dans la noblesse, Gilles du Faing commence sa carrière publique par les armes, en entrant, après avoir fait ses études, en qualité de volontaire avec quatre chevaux dans un régiment haut-allemand. Il combat au siège d'Anvers (1585), à celui de Bergen-op-Zoomen en 1589 et à d’autres batailles de la guerre de la guerre de Quatre-Vingts Ans.

 

 SES DEBUTS DANS LA CARRIERE (1590-1595)

 

Carte des Pays-Bas espagnols, puis autrichiens (1514-1795)
Carte des Pays-Bas espagnols, puis autrichiens (1514-1795)
Source : Gochet, Alexis-Marie (1835-1910). (Public Domain)
© Guy de RAMBAUD
Guy de RAMBAUD

En 1590, le duc de Parme,  Alexandre Farnèse (1545-1592), gouverneur des Pays-Bas espagnols et autrichiens, l'un des plus grands condottieres du XVIe siècle, appréciant son mérite, l'envoie à la cour de Philippe II d'Espagne. Ce roi l’attache à sa personne pour la correspondance et direction des affaires des Pays Bas.

Gilles réside cinq ans en Espagne, où il est aussi employé aux affaires diplomatiques concernant la Ligue. A son départ d'Espagne le roi Philippe II d'Espagne voulant lui témoigner sa satisfaction pour ses loyaux services, le fait armer chevalier par le prince, son fils, le 26 septembre 1595, et lui remet comme souvenir une chaîne d'or de la valeur de quatre cents écus, outre une gratification de cent ducats. Le Recueil historique, chronologique, généalogique et biographique des familles nobles du Luxembourg cite une partie du texte du discours du roi prononcé en cette occasion : Philippe etc., savoir faisons que pour la bonne relation que faite nous a été de la personne de notre amé et féal Gilles du Faing, seigneur de la Crouée, notre vassal en notre pays et duché de Luxembourg, et de ses honorables comportements durant les cinq années qu'il a été par deçà même qu'il a représenté les services qu'il allègue nous avoir rendus en notre pays d'embas en fait de guerre en diverses actions et entreprises; et qu'il y aurait servi quelque temps avec quatre chevaux à ses frais, comme volontaire; en outre que ses prédécesseurs, gentilshommes connus par-delà, se soient en tout temps employés et acquittés en charges honorables de notre service; nous, pour ces causes et afin de stimuler davantage le dit Gilles du Faing à suivre leurs traces, et désirant favorablement le traiter, élever et honorer, l'avons cejourd'hui, fait créer chevalier de la main de notre très-cher et bien-amé bon fils, le prince royal, et le tenons fait et créé tel comme si de la notre propre l'eussions ainsi fait et créé. etc. Saint-Laurent, le 26 de septembre 1595.

 

PAYS-BAS ESPAGNOLS

 

Albert de Habsbourg (1559-1621) et d’Isabelle d'Espagne (1566-1633).
Albert de Habsbourg (1559-1621) et d’Isabelle d'Espagne (1566-1633).
Frans Pourbus the Younger (Groeninge Museum, Bruges)
© Caro1409
Wikimedia Commons

De retour aux Pays-Bas, fin 1595, Gilles du Faing est d'abord attaché à la Maison de l'archiduc Albert de Habsbourg (1559-1621) et Isabelle d'Espagne (1566-1633), comme gentilhomme de la Bouche. Le gouverneur des Pays-Bas espagnols est aussi duc de Luxembourg, la région dont est originaire Gilles. Il est nommé conseiller des nobles, dits de la courte robe, en1596, au pays et duché de Luxembourg et est toujours ambassadeur du roi Philippe II d'Espagne.

En 1600, il succède au colonel de La Bourlotte dans les fonctions de capitaine-prévôt Capitaine-Prévôt et gruyer du comté de Chiny et Étalle, gouverneur de Florenville. Son fils doit lui succéder dès qu’il ne sera plus mineur.

Messire Gilles du Faing, conseiller au conseil de Luxembourg, envoyé à la diète d'Empire, à Spire, en mai 1600, est de retour à Bruxelles le 1er octobre 1601. Il touche avec deux  autres diplomates 5.316 livres.

A ses nombreux emplois est  ajouté celui de juge-député-ordinaire des assises ou hauts-jours de Marville et des Terres-Communes. Cette charge est, elle-aussi, très bien rétribuée : 2.809 livres... 1.107 livres... 950 livres... 2.000 livres... sommes qui s’additionnent à ses nombreux autres revenus. Mais il solutionne le différent entre le Barrois et le Luxembourg pour les Terres-Communes, différent qui avait été depuis 1270, le prétexte à de nombreuses guerres. Le traité est signé à Marville le 17 mai 1602.

En 1612, le roi Philippe III d'Espagne l'envoie en Danemark pour présenter au roi Christian IV de Danemark et aux princes ses fils les condoléances de son souverain sur la mort de la reine, Anne Catherine de Brandebourg. L'année suivante Faing est nommé au conseil de guerre du roi. En 1617, il est encore pourvu d’autre charge, celle de souverain-bailli des Flandres.

 

LE TEMPS DES HOMMAGES

 

On le voit parmi les grands seigneurs d’Europe assister aux funérailles de l’archiduc Albert de Habsbourg, en 1621, ce qui représente un immense honneur pour un fils de gouverneur du comté de Chiny. Le 24 janvier 1623, le roi Philippe IV d'Espagne, en récompense de quarante ans de loyaux services rendus à sa Maison dans les différentes fonctions et missions qui lui avaient été confiées, crée Gilles du Faing baron de Jamoigne, du nom de la terre dans laquelle est enclavé le manoir de ses ancêtres et que l'archiduc Albert (1559-1621),  lui avait cédée en 1619 avec la haute-justice, en échange des ban et seigneurie de Griffomont. Il obtient en 1630 son entrée dans la salle des Cardinaux pendant les audiences solennelles, honneur le plus insigne qui puisse être accordé à quiconque n'est pas prince, puisqu'il lui confère en même temps le droit d'être assis dans les voitures de la Cour à côté des têtes couronnées.

Outre l'ambassade dont Gilles du Faing s’est chargé en Danemark,  il semble qu'il doit avoir été presque constamment en mission pendant la longue période d'années qu'il a été voué au service des princes d’Espagne,  puisque comme il le dit lui-même dans une note ou état de services qui nous est resté de lui, il a été envoyé à vingt-six négociations diplomatiques, tantôt en France, tantôt en Lorraine, au duché de Juliers, à Liège, en Allemagne et ailleurs, sans compter les diètes impériales, les conférences, les députations, les traités, envois, voyages, etc., auxquels il a pris part et dont le nombre monte à soixante-huit.

Cet habile diplomate sert trois rois, Philippe II, III et IV, ainsi que l'archiduc Albert et sa femme Isabelle.  Il laisse à la postérité la réputation d'un homme doué d'une extrême prudence, de beaucoup de fermeté de caractère, mais surtout d'une sagacité très grande à éclaircir et à aplanir maintes difficultés qui au premier coup d'œil semblaient ne pouvoir être résolues que par le sort des armes. Aussi les archives publiques de son époque renferment-elles une infinité de documents importants qui sont son ouvrage et qui tous démontrent combien est justifiée l'immense considération dont il jouit à la cour de Madrid, mais surtout à celle de Bruxelles.

Plaque mortuaire de Gilles du Faing
Plaque mortuaire de Gilles du Faing
Cathédrale Saint-Bavon de Gand
© ???
Scan d'une vieille photo (archives famille de Rambaud)

Gilles du Faing est mort le 2 décembre 1633 à Gand, à l'âge d'environ 73 ans. Il est déposé dans le caveau qu'il a lui-même fait ériger pour sa famille dans la chapelle Sainte-Marguerite, annexée à la cathédrale Saint-Bavon de Gand. Une grande pierre bleue, attachée à la muraille de cette chapelle, porte ses armes : D'or, à l'aigle de gueules ; timbré d'un bras vêtu de gueules, à la main droite ouverte, de carnation, cinq de ses huit quartiers et son épitaphe. Un monument commémoratif, portant à peu près la même épitaphe que celui de Gand, est en outre érigé à ce diplomate dans l'église de Jamoigne.

Le château du baron de Jamoigne, à Ghentbrugghe, lui appartient et il fait reconstruire celui de Faing. Il est vrai qu'il est considéré par plusieurs de ses contemporains et les historiens comme l’un des hommes les plus riches et les plus distingués de son temps.

Gilles du Faing a épousé Marguerite de Steenlant, dame de Hasselt, Hoyen, Marckeghem, Rye, Pontrave... , laquelle lui survit jusqu'en mars 1655. Elle est fille de Pierre, chevalier, conseiller du conseil en Flandres, et de Marguerite Martens.

SOURCES :

 

Cugnon Aimé,  Huit cents ans d'histoire pour la famille Cugnon. 1173-1973, 1974.

Gachard Louis Prosper, Rapport à monsieur le ministre de l'intérieur, sur différentes séries de documents concernant l'histoire de la Belgique, qui sont conservées dans les archives de l'ancienne Chambre des comptes de Flandre, à Lille, Hayez, 1841.

Gachard et Piot,  Collection des voyages des souverains des Pays-Bas. Tome quatrième F. Hayez (Bruxelles), 1882. 

Hellin Emmanuel-Auguste Andries Cornelis Lens, P. Martinesie, François Heylbrouck, Histoire chronologique des évêques et du chapitre exemt de l'église cathédrale de S. Bavon à Gand; suivi d'un recueil des épitaphes modernes et anciennes de cette église, chez Pierre de Goesin, 1772.

Hovel de Vegiano, Nobiliaire des Pays-Bas, et du comté de Bourgogne...Depuis le règne de Philippe le Bon... jusqu'a la mort de l'empereur Charles VI., rapportées par ordre chronologique, J. Jacobs, 1779, v. 2.

Jeantin Jean François Louis, Les ruines et chroniques de l'abbaye d'Orval: esquisse morale, religieuse et chevaleresque de l'histoire de l'ancien comté de Chiny, Edition: 2, Publié par J. Tardieu, 1857.

Kessel, Pierre-Napoléon-Célestin-Charles-Auguste de, Livre d'or de la noblesse luxembourgeoise, ou Recueil historique, chronologique, généalogique et biographique des familles nobles du Luxembourg ancien et moderne, province et grand-duché de Luxembourg,..., J. Everling (Arlon), M. Nijoff (La Haye), 1869.

Mardaga Pierre, Danielle Sarlet, Le patrimoine monumental de la Belgique, Ministère de la culture française, André Matthys, Administration du patrimoine culturel, Belgium, Ministère de la Région wallonne, Publié par Editions Mardaga, 1995.

Neyen Auguste, Histoire de la Baronnie de Jamoigne, dans Publications de la Société archéologique du Grand-Duché, t. X, 1854.

NeyenAuguste, Biographie luxembourgeoise: histoire des hommes distingues originaires de ce pays, considéré à l'époque de sa plus grande étendue, ou qui se sont rendus remarquables pendant le séjour qu'ils y ont fait, Bruck, 1860, v. 1.

Petiot Alain, Les Lorrains et l’Empire, Mémoires et Documents, 2005.